La céramique, une pratique « écologique » ?

Août 28, 2023 | Marketing | 2 commentaires

Vous êtes-vous déjà demandé si la pratique de la poterie était « écologique » ? Après plusieurs années de pratique, cette question me taraude de plus en plus. Voyons quelques éléments de réflexion ensemble.

La poterie est une pratique artisanale qui remonte à des milliers d’années, utilisant principalement des matériaux « naturels » pour créer des objets utilitaires et décoratifs.

Si vous êtes en cours de reconversion, potier vous-même, ou attiré par cette pratique, vous avez sûrement ressenti à un moment l’envie de vous « reconnecter à la terre« .
Pour moi, la pratique de la poterie faisait partie de mon projet de « slow life », ralentir mon rythme de vie pour être plus proche de mes valeurs et d’un idéal de vie.

Mais à l’heure où la durabilité et l’écologie sont des enjeux majeurs, se pose la question de savoir si la production de céramique est réellement un métier écologique.

En effet, la poterie d’aujourd’hui n’a rien à voir avec la poterie ancestrale. Elle n’est pas écologique, et voici pourquoi.

Pourquoi la poterie n’est pas écolo ?

La terre utilisée

Combien de potiers utilisent aujourd’hui une terre « naturelle » ?

Certainement quelques-uns, mais je mets ma main à couper que 99% des potiers pro et amateurs utilisent de la terre industrielle.

stockage terre sous table

Contrairement aux argiles naturelles, les argiles industrielles sont souvent modifiées pour répondre aux besoins spécifiques de l’industrie de la poterie. Cela peut inclure l’ajout de sables, de feldspath, de kaolin ou d’autres matériaux pour améliorer la plasticité, la couleur et la texture de l’argile. Cela permet également d’avoir une continuité dans sa production.

Or, la production de ces argiles nécessite souvent l’utilisation de processus gourmands en énergie et en ressources naturelles.

En effet, la production d’argile nécessite l’extraction de matériaux naturels tels que l’argile, le kaolin ou le feldspath, ce qui peut entraîner une dégradation des sols et une perte de biodiversité.
De plus, certaines argiles industrielles peuvent contenir des additifs qui peuvent avoir des effets négatifs sur l’environnement et la santé humaine.

Les émaux

Tous les potiers utilisent des émaux ou des couvertes. Les émaux permettent bien sûr de donner couleur et brillance aux pièces, mais aussi d’affirmer son style.

Cependant, les émaux sont fabriqués à partir de matériaux potentiellement toxiques tels que des métaux lourds, des oxydes métalliques, etc. Les émaux peuvent également contenir des produits chimiques nocifs tels que des sels de plomb, de cadmium ou de chrome, bien que les fabriquants d’émaux tendent à limiter un maximum ces ingrédients.

Vous êtes vous déjà posé la question du traitement de ces produits dans un atelier ?

Les émaux sont tout, sauf écologiques :

  • Leur production n’est souvent pas respectueuse de l’environnement. Les processus de production de ces produits chimiques peuvent être très énergivores et nécessiter l’utilisation de grandes quantités de matières premières et d’eau, ainsi que la production de déchets toxiques.
  • Leur traitement dans un atelier de poterie est très souvent mal fait. J’ai eu l’occasion de voir les déchets d’émaux versés directement dans l’évier dans une association où j’étais…
  • Les dégâts potentiels sur la santé en mettant la main dans un bain d’émail, en respirant une certaine quantité de poudre ou les émanations du four, sont très préoccupants
  • Les émanations produites par les fours sont relâchées dans l’environnement. Bien que votre petit four de 60L ne risque pas de trouer à lui seul la couche d’ozone, il y participe à son échelle.

Le transport

Tout ce que vous achetez, que ce soit votre tour, votre four, votre terre, votre émail, votre matériel… vient en partie de France et en partie de l’étranger.

Qu’y a-t-il de local et d’écologique là-dedans ?

Si vous avez un e-shop et que vous envoyez vos pièces à l’autre bout de la France, vous participez également à l’émission de CO2…

De plus, les emballages que vous utilisez consomment également de grandes quantités de ressources, que ce soit pour la fabrication du plastique ou du carton.

Les cuissons

Aucune cuisson de poterie n’est vraiment écologique. Que ce soit la cuisson électrique, au gaz, au bois, toutes utilisent des ressources naturelles, bien que renouvelables dans la théorie. Et on ne peut pas maîtriser cette consommation pas dans notre atelier.

Même si vous possédez assez de panneaux solaires et de batteries pour alimenter un four pendant 12h (pas sûre que ça marche !), même si vous êtes propriétaire d’une forêt dont vous gérer le bois de manière responsable (qui possède une forêt ici ?), vous aurez toujours un impact négatif sur l’environnement.

Bien sûr, une cuisson au gaz qui utilise des ressources naturelles non renouvelables sera pire qu’une cuisson au bois, mais il est important d’avoir conscience de notre impact à ce niveau-là.

J’ai bien plombé l’ambiance, hein ? 🙂

Comment se rapprocher d’un idéal écologique ?

Je ne vais pas vous laisser avec ça…

Parlons des moyens pour être un peu plus écolo dans notre pratique de la poterie.

Voici quelques mesures qui peuvent être prises pour réduire l’impact environnemental de la production de poterie.

Argiles locales

Utilisez des argiles locales et si possible extraites de manière durable pour minimiser l’empreinte carbone.

Par exemple, mon grès blanc est fabriqué près de Caen par l’entreprise Raoult & Beck. Cette entreprise française fabrique ses terres sans fioul ni gaz pour réduire leur impact.

Malheureusement, les terres sont vendues à des distributeurs avant d’arriver jusqu’au consommateur. Ça fait donc beaucoup de transport et j’espère un jour trouver une terre que je puisse directement acheter au fabricant.

Réduire l’impact des cuissons

Vous pouvez :

  • Utiliser des équipements efficaces et économes en énergie, par exemple en ayant un four bien isolé et pas une passoire thermique.
  • Utiliser des combustibles renouvelables et durables pour la cuisson, tels que le bois provenant de sources locales et gérées de manière responsable.
  • Réduire les émissions de gaz à effet de serre en utilisant des techniques de cuisson appropriées, en réduisant la durée de la cuisson et en optimisant l’efficacité du four.

Le deuxième point n’est bien sûr pas à la portée de tout le monde…

En revanche, choisir un four de qualité comme un Rohde au lieu d’un four très mal isolé comme un Keramikos, vous permettra de faire des économies d’électricité.

Passer sur des terres basses températures, comme le grès se cuisant à 1220 au lieu de 1280, permet également de réduire considérablement le temps de cuisson. La bonne gestion de ses courbes de température permet également de réduire sa consommation d’énergie.

Encore mieux, quand c’est possible : la mono-cuisson !

Revoir ses techniques de production

Si vous avez envie de tester de nouvelles choses et de réduire votre impact, voici quelques pistes à explorer :

  • Fabriquer des émaux à partir de matériaux naturels comme la cendre de bois ou la poudre de coquille d’huître ;
  • Faire des pièces en terre sigillée, ce nécessitant pas d’émaillage ;
  • Réduire la zone d’application des émaux, par exemple en émaillant que l’intérieur des pots. ;
  • Abandonner l’utilisation du pistolet pour émailler, pour préférer des techniques comme le trempage

Mieux gérer ses déchets

Vous pouvez réduire les déchets et les émissions toxiques en utilisant des émaux et des matériaux non toxiques. Vous pouvez aussi faire attention au recyclage des déchets en les éliminant de manière responsable.

Par exemple, utilisez un bac de décantation (j’en parle dans cet article sur le fait d’avoir un atelier sans évier) afin de ne pas rejeter vos déchets dans les canalisations.

Ensuite, utilisez vos restes d’émaux comme « émail surprise« , ou bien cuisez-les dans votre four pour les apporter à la déchèterie. En effet, en les cuisant, vous les rendez inertes.

évier atelier poterie

Utiliser des emballages « écologiques »

Cela demande un peu d’investissement, mais vous pouvez grandement réduire l’impact écologique de vos emballages :

  • Réutilisez tous les emballages que vous recevez ;
  • Remplacez les chips polystyrène par des chips d’amidon, ou par tout autre calage écologique ;
  • Remplacez le papier bulle plastique par du papier bulle carton, ou par le fameux « Geami WrapPak », qui est un papier kraft alvéolé ;
  • Fabriquez vos propres cartes de visites, comme Giaco Studio, qui les a faites en papier recyclé, en incorporant même des graines de fleurs dedans !
  • Fabriquez vos propres pochons en tissu pour les petits objets ;
  • Si vous devez acheter des sacs en papier, ou d’autres produits en papier, essayez de choisir les versions « recyclées ».

Dans cette vidéo, vous pouvez-voir l’emballage de Worry stones.

J’utilise des matériaux écologiques : du papier, du papier kraft alvéolé, de la ficelle et des chips d’amidon solubles dans l’eau.

J’ai encore un peu de progrès à faire, avec le carton, que je n’ai pas trouvé en version recyclé, avec les cartes de visites et les petits papiers de remerciement (que j’ai en grande quantité, sûrement assez pour 15 ans d’envoi de commandes…)

 

Encouragez une consommation responsable

Votre impact passe aussi par la manière dont vos clients consomment.

Vous pouvez encourager une consommation responsable en proposant des produits durables et réutilisables, mais aussi en sensibilisant vos clients à la valeur des produits en céramique et en expliquant en quoi leur utilisation et leur achat est plus écologique et durable que des céramiques industrielles.

Mon bilan personnel

C’est bien beau de dire « gneu gneu gneu la céramique c’est pas écolo »… Mais bon, je suis céramiste et je suis totalement concernée par le sujet !

Voici la liste des actions que j’ai mises en place :

  • Recyclage de la terre (ça peut paraître logique pour la plupart d’entre vous mais certains ne le font pas..)
  • Cuisson de mes grès en cône 6 au lieu du cône 8
  • Optimisation des courbes de cuisson, avec un four Rohde bien isolé
  • Lancement des cuissons quand le four est totalement plein, pour éviter de gâcher de l’espace de cuisson et réduire le nombre de fours
  • Installation d’un bac de décantation et utilisation raisonnée de l’eau grâce à un évier non raccordé à l’eau courante
  • Fabrication d’émaux « surprise » et gestion responsable des restes d’émaux et de terre, en les emmenant en déchèterie
  • Gestion écologique des emballages avec matériaux biodégradables, recyclés et réutilisation des emballages reçus
  • Utilisation de terres françaises

Cette année j’espère passer à 100% sur une fabrication de mes propres émaux, afin de réduire les emballages mais aussi l’impact écologique du transport des émaux, qui sont la plupart importés de l’étranger.

 

Et vous, quelles actions avez-vous mises en place ?

Dites-moi en commentaire !

 

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Qui suis-je ?

Céramiste depuis 2020, j'ai créé ce blog pour vous partager mes connaissances.
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