Dans cet article, nous allons faire le tour des précautions à prendre et voir quelques conseils pour vous aider à fixer le tarif pour vos cuissons.
Pourquoi envisager de louer votre four de poterie ?
Proposer la location de votre four à d’autres potiers ou amateurs peut avoir des avantages
Créer du lien
En faisant venir dans votre atelier des céramistes assez avancés pour cuire leurs pièces, vous créez du lien et vous enrichissez votre réseau.
Pour ma part, j’ai eu l’occasion de découvrir des émaux que je n’utilisais pas personnellement, j’ai aussi vu de très très belles pièces, avec des techniques que je n’emploie pas.
J’ai aussi eu l’occasion de prendre des contacts pour des marchés.
Rendre la céramique plus accessible
Je sais que beaucoup de céramistes ne pensent pas comme moi, et ne sont pas dans une logique de partage. Ou alors, très peu, ou de manière très superficielle.
Je suis persuadée que c’est en partageant, en étant bienveillant et ouvert, que nous contribuons à la diffusion des connaissances et au maintien des métiers artisanaux.
Rentabiliser ses cuissons
J’ai un 95L dans mon atelier, et depuis que je passe plus de temps à former qu’à produire, je ne remplis plus aussi vite mon four.
Sauf que quand j’ai une pièce à cuire rapidement pour respecter un délai, je suis bien embêtée de devoir attendre des semaines, ou de devoir lancer un four à moitié vide…
Accueillir les pièces de personnes extérieures me permet de compléter mes cuissons et de les rentabiliser.
Financer l’entretien du four
Entendons-nous bien : vous n’allez pas vous faire un salaire grâce aux cuissons. Mais vous pouvez vous constituer une petite cagnotte qui vous permettra d’acheter des accessoires de cuisson et quand ce sera nécessaire, de nouvelles résistances.
Ce n’est pas un service que tout le monde est prêt à proposer, et c’est tout à fait normal. Mais si vous êtes ouvert·e à l’idée, cela peut s’intégrer dans votre activité.
Quels sont les risques ?
Je ne vous apprends rien… Le four c’est notre bébé, notre outil de travail, il est frabgile et coûteux ! TRÈS coûteux même…
Chaque cuisson engage votre responsabilité, votre matériel, et votre temps. Voici quelques risques concrets :
- Une pièce dont le fond n’a pas été désémaillé, un émail posé trop épais ou qui coule : ce sont vos plaques qui vont trinquer
- Une pièce de faïence confondue avec un grès : c’est la plaque, voire résistances / briques à changer
- Un malentendu avec la personne qui apporte ses pièces peut entraîner tensions et insatisfactions
- Le temps de gestion (accueil, explications, enfournement, défournement) peut devenir chronophage
👉 C’est pourquoi il est essentiel de poser un cadre clair et de vous sentir légitime à refuser certaines demandes.
Comment se protéger ?
Si vous proposez une cuisson à quelqu’un d’autre, voici des conseils pour vous protéger un maximum.
Les choses à préciser / exiger :
- Demandez le détail des matériaux utilisés (terres, émaux…) avec les étiquettes ou les boîtes en preuve, ou au minimum les factures
- Si vous voulez bien cadrer les choses, exigez des références de terre et d’émail particulières. Vous pouvez même exiger que la personne achète uniquement votre terre.
- Indiquez vos courbes de cuisson (vous n’êtes pas du tout obligé·e de vous adapter à la personne)
- Faites signer une décharge de responsabilité / un contrat, indiquant que la personne s’engage à rembourser les éventuels dégâts imputés à ses pièces.
Lors des cuissons :
- Lors de toute première collaboration, faites un test avec une ou deux pièces, avant de cuire une plaque entière. De préférence, mettez les pièces test au centre d’une plaque (dans le cas où ce serait de la faïence), de même, évitez de mettre ces pièces trop près des résistances (au cas où elles provoqueraient des projections)
- Multipliez les protections de plaque :
- Engobe de protection
- Sable de fontainbleau
- Cookies (disques de terre à mettre sous les pièces)
- Voire cazette si vous avez trop de doutes
Rappelez-vous que c’est votre four. Votre outil de travail. Donc vos règles.
Vous n’avez pas à vous justifier si vous ne sentez pas une personne ou une cuisson. Vous n’avez pas non plus à justifier vos prix.
Parlons prix d’ailleurs !
Comment calculer le bon tarif
Pour faire votre calcul, vous allez devoir prendre en compte plusieurs critères.
- Le coût des résistances, à changer au bout de 200 cuissons en général (372€ pour mon TE95S, soit 1,86€ / cuisson)
- La durée de cuisson et le tarif de l’électricité (un peu moins de 10€ pour un biscuit et plus de 15€ pour l’émail)
- L’usure long terme du four (Pour mon four qui coûte 5000€, si je fais 50 cuissons par an sur 10 ans, cela fait 10€ / cuisson)
- Le temps passé à accueillir, planifier, charger, décharger le four (en moyenne, cela représente une heure pour un four complet en émail, et 30 minutes pour du biscuit).
- L’URSSAF, et comme tu es sur de la prestation commerciale et artisanale, pas de la vente de pièces, c’est environ 25% d’impôts
J’ai également pris en compte les risques potentiels pour amortir les dégâts éventuels du four.
Puis j’ai décidé de proposer les cuissons par étage, au lieu des fours entiers (3 étages par cuisson). Je propose donc 15€ l’étage biscuit et 30€ l’étage en émaillage haute température.
Où proposer la location de son four ?
Maintenant que vous avez vos règles et vos prix, il faut trouver des “clients”.
Honnêtement, ça ne sera pas difficile : parlez-en autour de vous et vous aurez très vite des personnes intéressées.
Vous pouvez aussi vous inscrire sur l’annuaire du bol, indiquer vos services sur les groupes facebook de potiers. Mais attention, je vous conseille vraiment de tisser un lien de confiance avec les personnes afin de vous protéger un maximum.
Louer son four est une décision personnelle qui doit être mûrement réfléchie. C’est un acte de partage qui, bien encadré, peut être bénéfique pour la communauté céramique tout en permettant d’amortir les coûts liés à l’entretien de votre four.



