Je lis tellement souvent « tu devrais faire du Kintsugi sur cette pièce ! ». C’est la petite phrase qui réconforte quand on a fait une belle pièce et qu’on se dit qu’un petit filet d’or à la place de l’énorme fissure pourrait être très joli.
Sauf que le Kintsugi, ce n’est pas juste un collage doré, en plus d’être énormément de travail, c’est un art de vivre et de penser.
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Qu’est ce que le Kintsugi ?
Le terme Kintsugi signifie « jointure en or », tandis que l’art du Kintsugi est appelé Kintsukuroi ( « réparation en or »). C’est une technique japonaise de réparation de la céramique apparue à la fin du XVème siècle. Elle est faite à partir de laque saupoudrée d’or.
D’où vient le Kintsugi
L’histoire raconte que Yoshimasa Ashikaga, shogun de la période Muromachi, aurait renvoyé en Chine un bol de thé pour réparation. Il lui serait revenu avec des agrafes métalliques, technique de réparation courante à l’époque.
Les japonais ont alors cherché une technique plus sophistiquée et élégante pour réparer les pièces.
Mais le Kintsugi n’est pas juste une technique, il s’inscrit dans un courant de pensée, le Wabi-Sabi.
Le Wabi-sabi
Le Wabi-sabi est un concept esthétique et spirituel. Wabi désigne la simplicité, la nature, la tristesse… Sabi désigne l’altération par le temps, les vieilles choses, la patine…
Le concept de modestie et de simplicité du Wabi se mêle à celui de sensation du temps qui passe du Sabi.
Le Kintsugi fait donc écho à ce concept : les objets cassés ont subi les affres du temps, se couvrent de cicatrices, mais celles-ci sont belles, et on les met en valeur grâce à l’or. Le passé des objets est alors mis en exergue, les blessures sont sublimées.
Qui ne s’est pas déjà senti envahi par la beauté d’un objet aux cicatrices d’or ?
Le Kintsugi est souvent appelé « l’art de la résilience ». C’est l’écho à nos propres blessures qui fait du Kintsugi un art si singulier.
Le processus Kintsugi
Le « vrai » Kintsugi
Comme dit plus haut, le kintsugi n’est pas « juste » un collage. Le procédé est très long et complexe. Il demande du matériel qui n’est pas accessible facilement et des compétences à apprendre.
Il y a très peu de « vraies » pièces Kintsugi disponibles à la vente. Ces pièces coûtent des centaines, voire des milliers d’euros. Les pièces à quelques dizaines d’euros sont soit dans un « style kintsugi », avec des traces d’or, soit en « faux kintsugi », réparés avec un alliage créant l’illusion de l’or, voire avec une simple colle époxy dorée.
Le matériel pour du vrai Kintsugi se compose d’or véritable 24 carats et de laque Urushi traditionnelle, provenant de la sève d’arbre laquier. Cette laque est par ailleurs très toxique et provoque de violentes allergies en cas de contact.
Sans ce procédé, les pièces réparées ne peuvent être utilisées pour de l’alimentaire.
Les étapes
Les étapes sont très nombreuses, en voici un résumé :
- Prendre le temps de comprendre et connaître les blessures du l’objet, afin de choisir quelle sera la technique la plus appropriée, vous imprégner de l’essence de la pièce.
- Rassembler tous les morceaux, préparer et appliquer le Mugi-Urushi, qui est un mélange de laque et de colle de farine ou d’amidon, pour assembler les morceaux.
- S’il y a des trous dans la pièce, ils seront reconstitués par le Sabi-Urushi, mélange de laque et de poudre de roche ou d’argile suivant l’objet.
- Laisser sécher dans une boite en carton fermée (Muro), permettant de garder un taux d’humidité haut. La laque durcit en effet avec un haut taux d’humidité et de la chaleur.
- Gratter l’excédant de liant et les traces avec un cutter et de l’essence de térébenthine. Lisser la surface avec du papier de verre.
- Vont alors se succéder des applications très fines de laque noire au pinceau fin sur les fissures, alternées par du ponçage. Entre chaque étape, ce sera entre 1 et 15 jours de séchage, pouvant prolonger la restauration sur plusieurs mois.
- La poudre d’or est saupoudrée sur la toute dernière couche de laque rouge, qui restera collante suffisamment longtemps.
- Enfin, l’or est révélé grâce à un polissage, souvent à l’agate.
Les déclinaisons
La réparation peut être couverte avec autre chose que de l’or.
Tous les métaux, une fois réduits en poudre, peuvent être utilisés, que ce soit de l’or, de l’argent (alors appelé Gintsugi), de l’étain, du cuivre, du platine…
Il est possible également de laisser la laque rouge pure, on appelle alors le procédé Urushi-tsugi.
Enfin, lorsqu’un objet ou un tesson d’une autre pièce est inséré dans les réparations, on appelle cela le Yobi-stugi.
Les faux Kintsugi
Il n’est pas donné à tout le monde de se lancer dans cette aventure. Entre le prix du matériel, les compétences à acquérir, le temps nécessaire…
Certains se laissent donc tenter par le « faux Kintsugi », grâce à des kits Kintsugi ou du Kintsugi DIY qui se trouvent très facilement sur internet.
Les versions grossières
Vous pourrez réparer votre pièce avec l’illusion de l’or. Bien que ces kits permettent d’imiter le Kintsugi grâce à un processus simplifié, le résultat est assez grossier et loin de la philosophie initiale de cet art.
Le principe est simple : mélanger de la poudre d’or à de la colle, appliquer cette colle sur les morceaux et coller le tout. C’est tout !
Quelques exemples de kits, contenant tous une notice, de la colle époxy ou à base de résine, de la poudre dorée / argentée / cuivrée, un pinceau, des gants, pour un peu moins de 10 réparations :
- https://latelier-genevieve.myshopify.com/collections/box-kintsugi/products/box-kintsugi : 29€
- https://www.etsy.com/fr/listing/843788382/diy-kintsugi-kit : 21,90 €
- https://humade.nl/products/new-kintsugi-repair-kit : 27€
L’entre deux : la vraie technique avec une poudre de laiton
Certains kits sont plus voire beaucoup plus élaborés, avec des matériaux plus proches de la technique traditionnelle. Cependant, la poudre d’or 24 carats est rarement proposée.
J’ai eu l’occasion de discuter avec Didier Faillères, qui a étudié le Kintsugi au Japon, et il m’a fait revoir ma position sur les kits avec poudre de laiton.
Durant mes cours, mes élèves utilisent de la poudre dorée de laiton dont la couleur est similaire à celle de l’or véritable. Même s’ils éprouvent le désir d’utiliser directement de la poudre d’or à leurs débuts, il est préférable de s’entraîner lors des premiers essais avec une matière moins coûteuse comme de la poudre de laiton. Une fois cette technique maîtrisée, ils pourront introduire de la poudre d’argent et enfin d’or.
Voici des kits avec cette poudre dorée. Les prix sont quand même élevés, avec plus ou moins de matériel.
- https://wagumi-j.com/products/wagumi-original-kintsugi-set : environ 65 €, avec de la laque, mais de la poudre de laiton
- https://www.kintsugi.art/product-page/kit-debutant-kintsugi : 230 €, avec beaucoup plus de matériel
- https://www.kintsugi.art/product-page/coffret-complet-kintsugi : 340 €, avec tout le matériel nécessaire, mais on reste sur de la poudre dorée, par de l’or
- https://www.etsy.com/uk/shop/KintsugiOxford : des kits entre 100 et 200€ avec tout le matériel nécessaire (ici du véritable or 24 carats, mais souvent épuisé)
Ma relation au Kintsugi
Quand j’ai découvert le Kintsugi, j’ai immédiatement été charmée par l’effet visuel et les émotions que ces objets procurent. Cela m’a rappelé ma jeunesse, lorsque je réparerais toutes sortes de choses, avec de la colle, de la ficelle voire du scotche…
Aujourd’hui, j’aime particulièrement l’utilisation de l’or sur mes pièces. Je l’utilise pour apporter une touche précieuse, mais également pour sublimer des imperfections, des points d’accroche visuelle.
Pourtant, je ne me sens pas prête à me lancer dans le Kintsugi. Peut-être est-ce encore trop tôt pour moi. Je ne suis pas prête à soigner certaines blessures.
Je sais qu’un jour, je le serai, c’est pour cela que j’ai commencé à me renseigner sur les cours disponibles en France. Je veux faire les choses bien. Je ne veux pas juste acheter un kit et réparer une pièce « pour voir », je veux pouvoir intégrer cet art à mon travail.
Les cours de Kintsugi en France
Atelier | Lieu | Prix |
Spécificité |
Atelier Kintsugi | En ligne | 150 € | 9 vidéos à télécharger, 134 minutes, dans chaque vidéo, le matériel à acquérir est indiqué |
Nagori | A côté du Mans | 300 € | En pause actuellement, une formation en ligne est en cours de développement |
Nicolas Pinon | Paris | 400 € | Nicolas Pinon est un artiste laqueur. 400€ pour deux jours d’initiation Kintsugi, 1000€ pour le stage Urushi de 5 jours |
CPIFAC | Velaine-en-Haye | Sur devis | 4 jours de stage |
Stage avec Martine Rey | Valojoulx | 350 € | Marine Rey se déplace régulièrement pour donner des stages dans des ateliers, notamment celui de La Terre en feu |
http://kintsugioxford.com/ | Online | 60£ pour deux heures | En anglais seulement, le matériel utilisé dans le cours est vendu en kit sur Etsy |
https://www.kintugi.com/ | Online | Plein de vidéos en anglais accessibles gratuitement pour voir les étapes du Kintsugi | |
https://www.kintsugi.art/ | Marseille et proche Marseille | 900 € | Stage de 5 jours avec Didier Faillères, kit avec poudre de laiton et outils fourni. |
Les comptes à suivre
Vous ne voulez pas prendre de cours, mais vous adorez regarder des pièces réparées grâce à l’art du Kintsugi ? Voici une sélection de comptes Instagram inspirants :
- https://www.instagram.com/nagori_ceramique/ : Eugenie est céramiste et pratique le Kintsugi sur des pièces de clients mais aussi sur ses propres pièces
- https://www.instagram.com/kintsugifrance/ : le compte de Myriam Greff, qui donne des cours de Kintsugi, elle est spécialisée dans cet art et en parle incroyablement bien, elle répare les objets de clients et en vend également
- https://www.instagram.com/kintsugi.showzi/ : artiste japonais, je trouve intéressant de suivre des comptes d’autres cultures
- Vous pouvez également suivre le hashtag https://www.instagram.com/explore/tags/wabisabiculture/, pour vous inspirer de la culture Wabi-sabi